Roma : une plongée sublime dans l’enfance de Cuaron

Cinq ans après Gravity et ses sept Oscars, Alfonso Cuaron revient sur Terre et dans le passé. Celui de son enfance dans le quartier de Roma à Mexico. Un récit autobiographique et intimiste, sublimé par un noir et blanc superbe, qui a de fortes chances d’amener le réalisateur mexicain à fouler le tapis rouge des Oscars en février prochain, tant le résultat est grandiose.

roma
Roma, disponible sur Netflix.

Tranche de vie

Roma nous transporte dans le Mexico de 1970, superbement reconstitué, où deux mondes se côtoient. Celui d’une famille bourgeoise aisée, où le père décide de quitter femme et enfants. Et celui des domestiques de la famille, qui après leurs tâches quotidiennes regagnent leur minuscule chambre de bonne. Cleo (Yalitza Aparicio) est au service de cette famille. Plus qu’une bonne chargée de préparer les repas et de faire le ménage, elle se substitue sur bien des points au personnage de la mère. Cuaron a fouillé dans sa mémoire, dans celles de ses frères et soeurs, et dans celle de sa véritable nounou de l’époque pour faire revivre à l’écran cette tranche de vie de son enfance. Une lettre d’amour aux femmes qui l’ont élevé, et dont le résultat est tout simplement superbe. Alternance subtile entre plans-séquences et plans furtifs de détails, Roma transpire l’authenticité recherchée par le réalisateur. Un personnage principal (Cleo) joué par une actrice qui n’en est pas une, et dénichée au fin fond d’un village indigène loin de Mexico. Des dialogues distribués le matin même aux acteurs qui ignorent la réplique qu’ils recevront de leur partenaire en retour. On ne joue pas un rôle, on le vit, et l’on réagit dans l’instant, comme dans la vie finalement. Ressusciter un pan de son enfance en n’omettant pas les blessures, c’est un peu la madeleine de Proust d’Alfonso Cuaron. Mais le film pourrait nous renvoyer au titre d’un autre livre, celui de Jean d’Ormesson : Presque rien sur presque tout. Car dans Roma, il ne se passe (presque) pas grand chose. Juste le quotidien, celui de tout le monde. Et pourtant, tout y est. Côté petite histoire, le personnage central de la mère, l’absence d’un père, les conflits familiaux, et la vie tout simplement faite de petits bonheurs et de drames. Et côté grande Histoire, un pays en pleine mutation, à l’orée d’une guérilla qui va durer 30 ans (on y voit la répression d’une manifestation étudiante qui enclenchera le processus), et même les tremblements de terre (fréquents au Mexique) sont présents. La carte postale, ressurgie du passé de Cuaron, est complète et somptueuse.

Uniquement sur Netflix en France

Avec Roma, Alfonso Cuaron délivre une oeuvre intimiste et grandiose. Couronné d’un Lion d’Or à la dernière Mostra de Venise, Netflix signait là une première : obtenir une récompense majeure pour l’un de ses films. La médaille a malheureusement aussi un revers pour le spectateur français. Un Lion d’Or qui ne sort pas en salles de cinéma, c’est aussi une première. Certains peuvent déplorer de ne pouvoir regarder le film que sur un petit écran de télévision. La faute à la loi française qui n’autorise pas la diffusion simultanée d’un film en salles et en SVOD, contrairement à d’autres pays. Et à ceux tentés de maudire le géant californien du streaming pour cette privation, rappelons leur simplement ceci : personne n’a forcé Alfonso Cuaron à vendre les droits de son film à Netflix. S’il a pensé qu’un film intimiste, en noir et blanc, et en langue étrangère trouverait difficilement sa voie par le biais d’une distribution classique, c’est après tout son choix. Quoi qu’il en soit, le film est de toute beauté, et Netflix pourrait grâce à lui, réaliser une autre première lors des prochains Oscars, et ce ne serait que mérité.

Roma est disponible sur Netflix depuis le 14 décembre.

 

Credit photos (c) Netflix.

4 pensées sur “Roma : une plongée sublime dans l’enfance de Cuaron

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