« Billie Holiday : une affaire d’Etat » : biopic passionnant, interprétation magistrale.
Parmi les sorties de la semaine au cinéma, « Billie Holiday : une affaire d’Etat » revient sur une page moins connue de la vie de l’icône jazz : celle de la détermination du gouvernement américain à la « faire tomber » après l’interprétation de son titre « Strange Fruit« .
» Southern trees bear a strange fruit
Blood on the leaves and blood at the root
Black bodies swingin’ in the Southern breeze
Strange fruit hangin’ from the poplar trees «
Tout part d’une « simple » chanson, dont le titre « Strange Fruit » évoque le lynchage des noirs dans l’Amérique ségrégationniste des années 40. Malgré les mises en garde des autorités, Billie Holiday persévère et chante ce titre sur scène. Le Bureau Fédéral des narcotiques trouve alors la faille qui va permettre d’écarter la chanteuse : sa dépendance aux drogues. Arrêtée, jugée, puis incarcérée, Billie Holiday sera poursuivie sans relâche jusqu’à sa mort en 1959 par le gouvernement américain.
Telle est la ligne conductrice de ce biopic réalisé par Lee Daniels, comme le laisse présager son titre. Si l’idée est louable et offre au spectateur l’occasion de découvrir une page méconnue de la vie de la chanteuse, le résultat est quelque peu différent. Un petit air de fourre-tout résonne dans le scénario adapté de l’ouvrage Chasing the Scream, de Johann Hari : la dépendance aux drogues, avec multiplication des scènes de piquouses dans le bras, ses relations toxiques avec les hommes, son enfance misérable, où sa mère fit d’elle une prostituée à l’âge de 10 ans, ou encore le succès international rencontré lors de sa tournée européenne. Et puis il y a la traque des autorités, emmenée par Harry Anslinger (Garett Hedlund), qui n’avait pas prévu que son agent infiltré Jimmy Fletcher (Trevante Rhodes) tomberait amoureux de la chanteuse… Ce trop plein de sujets est probablement le principal défaut du film, mais l’ensemble est largement compensé par la prestation époustouflante de Andra Day dans la peau de « Lady Day ».
On pense bien évidemment à Marion Cotillard dans « La Môme« , ou à Rami Malek dans « Bohemian Rhapsody« . La performance délivrée ici par Andra Day est du même acabit : magistrale ! La chanteuse de 36 ans signe là une incarnation presque troublante de Billie Holiday, récompensée à juste titre par le Golden Globe de la meilleure actrice. Et si l’Académie des Oscars lui a préféré Frances McDormand pour la statuette suprême, sa nomination n’avait clairement rien de volé. De ses prestations vocales et scéniques, aux moments les plus sombres, en passant par les scènes de violence et de sexe sans retenue, elle crève l’écran du début à la fin.
Que l’on soit amoureux de la chanteuse, fan de jazz, ou même d’histoire américaine, il y a forcément une raison qui vous fera aimer ce biopic. Doté d’une reconstitution historique, d’une photographie, et de décors et costumes splendides, « Billie Holiday : une affaire d’Etat » est incontestablement l’un des films à voir cette semaine au cinéma.
« Billie Holiday : une affaire d’Etat« , en salles depuis le 2 juin.
Credit photos (c) Metropolitan Films.